Autonomie d’une équipe produit dans une Digital Factory

On nous avait prévenu : « Vous allez être victime de votre succès ! », et ça n’a pas loupé, la direction nous a demandé d’accueillir de nouvelles équipes pour réaliser des projets « à la mode digitale ».

C’est à la fois une réelle marque de confiance, mais également un vrai défi qui lève de nouveaux problèmes. Nous sommes déjà habitués à développer sur notre plateforme évidement et nous avons déjà accompagné des équipes a développer chez nous, mais il s’agit là d’aller encore un peu plus loin dans l’ouverture de notre Digital Factory.

Et face à cette ouverture, face à l’augmentation du nombre d’acteurs, du nombre de produits, la question de l’autonomisation de ces équipes et apparue comme un sujet évident.

Des règles communes pour l’autonomie

Classiquement, l’autonomie et l’indépendance sont évoquées ensemble, mais ce sont des concepts de nature différentes. Sans revenir sur l’étymologie, l’autonomie est la capacité à être libre dans un cadre de règles communes et l’indépendance est le fait de ne pas dépendre de quelque chose ou de quelqu’un. Par exemple, nous sommes globalement indépendants des personnes de notre quartier, mais dans la limite du respect des règles communes.

Prenons un exemple simple : imaginons un village ou l’espace public n’existe pas. Chaque habitant voulant circuler devrait demander l’autorisation de traverser la parcelle d’un autre habitant. Chaque habitant serait fortement dépendant de l’ensemble des habitants du village.
En créant une règle commune de libre circulation sur les chemins du village, les habitants deviennent libre de circuler indépendamment des uns des autres. Toutefois, si cette liberté est limitée aux chemins, alors il reste interdit de rentrer chez quelqu’un sans lui demander l’autorisation. La règle commune permet donc de circuler en toute autonomie, elle circonscrit l’indépendance aux autres pour ce cas.

Quelle liberté pour une équipe produit dans une Digital Factory ?

Lorsqu’on doit accueillir des équipes pour développer des produits « à la mode digitale » dans une Digital Factory, l’équipe Digital doit d’abord se poser la question des libertés de l’équipe produit. Quelles libertés l’équipe Digital souhaite-t-elle laisser à l’équipe produit ?

Une équipe produit à pour mission de construire et exploiter un produit informatique. Si on souhaite lui laisser cette liberté, on devrait lui laisser la possibilité de le concevoir, le développer, le tester, le déployer et l’exploiter.

Dans les faits l’équipe produit résulte d’un choix d’organisation et n’a, par exemple, pas l’ensemble des compétences et des outils pour réaliser seule son produit. Elle est de fait dépendante d’un certains nombre d’acteurs transverses liés à la Digital Factory, comme par exemple l’UX, la sécurité, l’architecture ou les équipes d’infrastructure,

Comme pour la circulation dans le village, limiter les dépendances des équipes produits à ces équipes transverses revient à définir des règles communes. Par exemple, là ou l’équipe de la Digital Factory donnait l’autorisation de passer, elle pourrait se positionner en observatrice et en soutien à la déambulation des équipes produits dans le processus de création et d’exploitation.

En tant que partenaires interdépendant, l’équipe produit s’appuie sur l’équipe Digital pour la conseiller sur les règles communes et l’équipe Digital observe et écoute les difficultés de l’équipe produit pour la guider et pour faire évoluer les règles communes si besoin.

Il y’a toutefois un pré-requis important pour créer l’autonomie.

Formaliser les règles communes, c’est à dire « ce qui fait la Digital Factory »

De part son expérience, l’équipe de la Digital Factory sait ce qui fonctionne et ce qui permet de réaliser et d’exploiter des produits « à la mode Digital ». Elle a conscience de sa propre autonomie. Dans son intention de permettre un maximum de liberté aux équipes produits, elle devrait formaliser cette connaissance pour initialiser les règles communes. Ces règles sont de l’ordre du « Quoi », du « Comment » et évidement du « Pourquoi » pour les expliciter le plus clairement possible.

Pour le « Quoi », elles pourraient se classer selon ces thèmes propres aux systèmes informatiques :

  • Utilisateurs, interfaces et UX / UI
  • Systèmes, applications et produits
  • Langages, algorithmes et frameworks
  • Machines et infrastructures
  • Sécurité

Pour le « Comment », elles pourraient suivre le processus de la Digital Factory :

  • Etude
  • Cadrage
  • Réalisation
  • Exploitation

Ou alors rester au plus près d’un processus minimal de réalisation informatique :

  • Conception
  • Réalisation
  • Test
  • Déploiement
  • Exploitation

Partager les règles communes aux équipes produit pour viser l’autonomie

Rendre autonome une équipe produit dans une Digital Factory relève d’abord de sa montée en compétence. Chaque équipe produit doit comprendre le contexte dans lequel il va réaliser son produit (le « Quoi » et le « Comment »), avant qu’il ne commence et tout au long de son chemin. L’équipe doit avoir en tête le processus et ses étapes, les pré-requis, les technologies, les outils utilisés et les contraintes associées à son environnement de Digital Factory.

Pour ce faire l’équipe Digital devrait s’appuyer sur la formalisation de sa connaissance, pour former chaque nouvelle équipe produit via des sessions de formation en présentiel ou en ligne, via des tutoriaux, des vidéos ou de la documentation.

Accompagner l’équipe produit dans sa mission

Tout au long de la réalisation du produit, l’équipe produit devrait mettre en visibilité l’équipe Digital de ses difficultés (par exemple suite à ses rétrospectives, ou lors de revues de conception ou de développement) afin de s’appuyer sur l’expertise de l’équipe de la Digital Factory.

L’équipe Digital devrait quant à elle observer et être disponible pour répondre à ces difficultés.

Adapter les règles communes avec l’équipe produit

La remontée des difficultés des équipes produits est précieux pour l’équipe Digital, elle lui donne l’occasion d’apprendre des contextes des équipes produits et de proposer des adaptations des règles communes.

L’équipe Digital pourrait proposer un processus de décision collectif pour la proposition, la discussion et la validation de nouvelles règles communes avec les équipes produits.

Conclusion

Dans le cadre de l’accueil de nouvelles équipes produit, proposer de l’autonomie c’est d’abord se poser la question de ce qui fait notre propre autonomie, ce qui nous permet en tant qu’équipe Digital de faire ce que nous faisons. C’est ensuite un changement de posture, tournée vers la confiance et la responsabilisation des équipes produits aux biens communs de l’entreprise, à nos missions, nos vision et nos règles communes. Enfin, rendre autonome c’est transformer les liens avec nos partenaires pour ouvrir de nouveaux espaces de liberté pour chacun et continuer à avancer ensemble.